Auguste Brizeux ( 1803 - 1858 )
Julien Pélage Auguste Brizeux,
né le 12 septembre 1803 à Lorient (Morbihan)
mort le 3 mai 1858 à Montpellier (Hérault)
La mort du bouvreuil
Le fusil d'un chasseur, un coup parti
du bois
Viennent de réveiller mes remords
d'autrefois...
L'aube sur l'herbe tendre avait semé
ses perles,
Et je courais les prés à la piste des
merles,
Ecolier en vacance: et l'air frais du
matin,
L'espoir de rapporter un glorieux
butin,
Ce bonheur d'être loin des livres et
des thèmes
Enivraient mes quinze ans tout enivrés
d'eux-mêmes.
Tel j'allais dans les prés. Or, un
joyeux bouvreuil
Son poitrail rouge au vent, son bec
ouvert et l'oeil
En feu, jetait au ciel sa chanson
matinale
Hélas! qu'interrompit soudain l'arme
brutale.
Quand le plomb l'atteignit, tout
sautillant et vif,
De son gosier saignant un petit cri
plaintif
Sortit, quelque duvet vola de sa
poitrine;
Puis, fermant ses yeux clairs,quittant
la branche fine,
Dans les joncs et les buis de son
meurtre souillés,
Lui, si content de vivre, il mourut à
mes pieds!
Ah! d'un bon mouvement qui passe sur
notre âme,
Pourquoi rougir? La honte est au
railleur qui blâme.
Oui, sur ce chanteur mort pour mon
plaisir d'enfant,
Mon coeur, à moi chanteur, s'attendrit
bien souvent.
Frère ailé, sur ton corps je versai
quelques larmes,
Pensif, et m'accusant, je déposai mes
armes.
Ton sang n'est point perdu. Nul ne m'a
vu depuis
Rougir l'herbe des prés et profaner
les buis.
J'eus pitié des oiseaux et j'ai pitié
des hommes.
Pauvret, tu m'as fait doux au dur
siècle où nous sommes.
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