mercredi 1 mai 2013

Emprunts toxiques : pourquoi l'Etat soutient les collectivités locales

http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20130430trib000762472/emprunts-toxiques-pourquoi-l-etat-soutient-les-collectivites-locales-.html

L'Etat semble avoir pris pleinement conscience du risque latent des emprunts toxiques souscrits par les collectivités locales.
Il n'est du coup pas certain que les banques s'en sortent à si bon compte.
 
Enfin, l’Etat français semble avoir pris la mesure de la gravité de l’affaire des emprunts toxiques souscrits par les collectivités locales entre 2002 et 2008. Que ce soit à Matignon, du côté de Bercy ou au niveau du ministère chargé de la décentralisation, le sujet est pris très au sérieux. L’arbitrage final pourrait même venir de l’Elysée. En cause, les 17 milliards d’euros de prêts toxiques souscrits par les collectivités, dont 9 milliards sont désormais gérés par l’Etat, depuis que ce dernier a repris en février la majeure partie de l’ancienne banque leader du marché, Dexia. Selon divers travaux réalisés par les élus ces dernières années, le coût pour rétablir les taux d’intérêts des prêts des collectivités locales à un niveau normal sera de 8 milliards d’euros au minimum, étalé sur plusieurs années. Ce, à condition que les prêts soient gérés au mieux jusqu’à extinction.

Rien ne sera décidé sans l'aval des collectivités
Si rien n’est fait, les collectivités locales, qui représentent 70% de l’investissement public en France, seront durablement affectées. Mais elles semblent désormais entendues. Les membres du cabinet du ministre de l’Economie ont ainsi assuré à l’association représentative des acteurs publics contre les emprunts toxiques (APCET) que rien ne serait décidé sans une concertation et l’accord des élus. Ce qui équivaut, pour l’APCET, à une petite victoire face aux banques.

Ces dernières, qui craignent d’être pénalisées pour des pratiques d’avant crise, demandaient récemment à l'Etat de revenir sur
la brèche ouverte aux collectivités locales par la décision du TGI de Nanterre de février dernier. Celle-ci obligeait Dexia à recalculer à la baisse les taux consentis au conseil général de Seine-Saint-Denis pour avoir oublié de mentionner un taux d’intérêt déterminant dans un fax, le fameux Taux effectif global (TEG), sorte de coût réel du crédit.
Redoutant une ruée des collectivités locales vers les tribunaux après cette décision susceptible de faire jurisprudence, les banques ont plaidé à Bercy pour l’adoption d’une loi de validation qui annihilerait le risque du TEG pour les banques, et qui s’appliquerait également de manière rétroactive.


Le gouvernement rejette la requête des banques
Bercy a finalement écarté cette hypothèse, non sans la pression du ministère chargé de la Décentralisation. Heureusement estime Maurice Vincent, le président de l’APCET, pour qui il aurait été "hallucinant sur le plan politique" que le ministère de l’Economie "défende l’idée d’amnistier des pratiques bancaires anciennes". D’autant qu’une telle intervention publique se trouve "être hasardeuse sur le plan juridique", ajoute le maire de Saint-Etienne. 
Si Bercy a tranché dans le sens des collectivités locales, c’est aussi car il n’a pas intérêt à entretenir un climat tendu. Concrètement, s’il ne donne pas un minimum raison aux élus, ceux-ci continueront à brandir la menace de l’assignation en justice, alimentant les incertitudes sur le montant des intérêts des prêts qui seront remboursés. Une situation malvenue, à l’heure où l’Etat doit aller chercher de l’argent sur les marchés pour financer la Sfil, la société héritée de Dexia. 

Qui des banques ou des pouvoirs publics paiera ? 
Reste désormais à déterminer qui devra payer. Pour Maurice Vincent, les responsabilités sont toutes trouvées. "On est devant une grave dérive du système financier entre 2002 et 2008 qui a diffusé dans l’ensemble des collectivités publiques et des hôpitaux des produits spéculatifs", indique le maire de Saint-Etienne. "Les paris perdus sont perdus", ce sont donc les banques qui doivent prendre en charge le coût de ces emprunts toxiques, estime-t-il. Ce, par le biais d’une taxe spécifique. Il milite en parallèle pour que les encours toxiques soient cantonnés dans une structure à part entière qui puisse faire revenir les taux d’intérêts des prêts de certaines collectivités à des niveaux acceptables.
Du côté des banques privées, on estime qu'étant donné que l'Etat a repris Dexia, le principal acteur du marché, l'affaire des encours de prêts toxiques est désormais une affaire qui doit se régler entre acteurs publics. Et qui ne les concerne quasiment plus

Emprunts toxiques : pas de négociation sans assignation !

http://www.lagazettedescommunes.com/165514/emprunts-toxiques-pas-de-negociation-sans-assignation/

Assigner la banque, c’est préserver les droits de la collectivité, et créer une situation beaucoup plus favorable à ses intérêts dans la mesure où un cadre contraignant est imposé à la banque pour des négociations et où ces dernières se dérouleront dans un contexte marqué par le risque de condamnation de l’établissement financier.

A en croire certains, les  acteurs publics aux prises avec des emprunts toxiques seraient avisés de chercher à négocier avec leur banque sans avoir assigné cette dernière au préalable. L’expérience montre pourtant le contraire.
Les banques, qui ont l’habitude des contentieux avec la clientèle, ne bougent pas, en effet, tant qu’une procédure n’est pas intentée à leur encontre. Elles n’y ont aucunement intérêt pour plusieurs raisons.
Rapport de force
Tant que le juge n’est pas saisi, d’une part, le banquier sait que le rapport des forces est en sa faveur : en raison des contrats d’emprunt qu’il a amené l’acteur public concerné à conclure, ce dernier est pris en étau entre la perspective de payer des échéances devenues exorbitantes et l’impossibilité de s’acquitter de l’énorme indemnité de remboursement anticipé due à la banque pour sortir du contrat de prêt. La négociation est vaine dans la mesure où la banque est en position de refuser à son client toute discussion sérieuse ou de lui dicter ses conditions.
Délai de prescription
Tant que la banque n’est pas assignée, d’autre part, le délai de prescription des actions susceptibles d’être engagées contre elle court et l’acteur public n’a donc pas la garantie de conserver ses droits. Les banques l’ont d’ailleurs bien compris. Leurs efforts pour repousser le moment de négocier, pour retarder le cours des négociations, n’ont qu’un objectif : parvenir à faire perdre aux collectivités locales leurs droits à agir contre elles.
Il faut bien dire qu’elles ont reçu une aide substantielle en la matière de la part du médiateur Gissler dont la mission a surtout consisté à faire attendre les collectivités et à les décourager d’engager des contentieux. Il ne faudrait pas, à l’approche de la date du 17 juin 2013, date à laquelle de nombreuses actions contre les emprunts toxiques seront prescrites, que les illusions que s’efforcent de semer les porte-parole des banques conduisent les acteurs publics victimes des emprunts toxiques à de nouvelles impasses.
Préserver ses droits et discuter
Des négociations  enclenchées après assignation se dérouleront dans un contexte marqué par le risque de condamnation de l’établissement financier. Ce risque a été rendu particulièrement tangible depuis les jugements rendus le 8 février dernier en faveur du département de la Seine-Saint-Denis et les jugements  rendus de plus en plus nombreux à l’étranger, en Italie, en Allemagne, en Espagne ou en Australie. 
Ajoutons, pour finir, qu’assigner permet  d’engager des discussions de manière sécurisée et confidentielle par l’intermédiaire des avocats en charge du contentieux, voire de recourir à la médiation judiciaire en cours de procédure