jeudi 10 janvier 2013

Gazette des Communes

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Emprunts toxiques : la montagne a une fois encore accouché d’une souris – ce qu’il reste à faire pour les collectivités

Dans la nuit du 7 au 8 novembre 2012, l’Etat français s’engageait à prendre sa part à hauteur de 2,6 milliards d’euros dans la recapitalisation de la banque Dexia, aux frais du contribuable donc. Dans un contexte où le gouvernement venait d’annoncer son intention de réduire les dépenses de l’Etat, cela tombait mal. Pour faire bonne mesure et ne pouvant continuer à ignorer la fronde des collectivités locales piégées par les emprunts toxiques, le ministre des Finances, Pierre Moscovici, a annoncé, dès le 8 novembre 2012, sept mesures les concernant, dont seule la cinquième doit retenir notre attention : le lancement d’une concertation avec les associations d’élus pour la mise en place d’un dispositif destiné à aider les collectivités locales en graves difficultés financières du fait des emprunts toxiques.

Il faut rappeler que l’on parle d’un risque financier dépassant les 100 milliards d’euros dont 10 milliards nécessaires pour quitter les contrats de prêts toxiques (dans cette matière, il ne faut pas avoir peur de manipuler de gros chiffres).
Que s’est-il passé depuis ? N’a été entendue qu’une seule voix : celle de l’association des acteurs publics contre les emprunts toxiques, laquelle a demandé la création d’un fonds de soutien mutualisé qui serait alimenté par une cotisation versée par les banques d’une part, et par les collectivités locales d’autre part (celles-là même qui n’arrivent pas à rembourser leurs prêts…).
Le Parlement a sauté sur cette proposition en adoptant, le 3 décembre 2012, un amendement dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012 ; est ainsi prévue la création d’un fonds de soutien d’un montant de… 50 millions d’euros (c’est-à-dire tout juste de quoi sortir du piège quatre ou cinq villes de 10 000 habitants, alors que l’on sait qu’elles sont des milliers à être concernées).
L’alimentation de ce fonds se fera d’une part, par l’Etat, d’autre part, par les collectivités elles-mêmes qui se verront prélever 25 millions d’euros sur le produit des amendes de police qui leur est destiné.
Pas un euro ne sortira de la poche des banques, et notamment de celle de Dexia, alors qu’elles ont tiré un profit considérable de la commercialisation des prêts structurés.

Bref, à ce stade, personne n’a fait prendre leurs responsabilités aux banques et à la première d’entre elles, Dexia, puisqu’elles ne contribueront pas à l’aide légitimement réclamée par les collectivités locales.
Ainsi et après l’absence de résultat concret après le dépôt du rapport de la Commission Bartolone, c’est la deuxième fois que la montagne accouche d’une souris.

La solution ne peut dès lors être que judiciaire afin d’inverser les rapports de force et remettre les règles de droit au cœur du débat en leur donnant un ascendant sur les questions politiques et de lobby bancaire.
Encore faut-il que les Juges déploient tous leurs talents pour pénétrer un monde qui n’est pas le leur, situé au carrefour de la finance publique, de la politique et du respect du bien public.

Des moyens juridiques nombreux - Qu’est-ce qui plaide en faveur des collectivités ? Elles sont tout d’abord des non professionnelles de la finance, cela est reconnu par les banques, et par Dexia la première (bien qu’elle plaide aujourd’hui le contraire dans les procédures judiciaires engagées…), par la signature de la charte de bonne conduire Gissler entrée en vigueur en janvier 2010.
Les mécanismes de vente d’options dans lesquels trouve son origine la « bonification » du taux d’intérêts pour les deux premières années du contrat de prêt, ne sont exposés nulle part dans les contrats de prêts structurés.
La collectivité locale emprunteuse ne connaît ni leur existence, ni leur fonctionnement, ni les risques qu’ils représentent pour elle.

Les collectivités locales ne sont pas des salles de marché et n’ont pas vocation à le devenir ; elles ont été trompées sur la nature réelle du contrat que Dexia, entre autres, leur a conseillé de souscrire et sur les risques pris.
La lecture du contrat de prêt leur laissait par ailleurs croire qu’elles avaient la possibilité de le rembourser en cas de dégradation du taux variable, ce qui en réalité n’était pas le cas.
Les banques devaient leur fournir une information sur le risque spécifique né de l’octroi même du crédit, ce qu’elles n’ont pas fait. Tout ceci est source d’annulation des contrats de prêts compte tenu des conditions dolosives dans lesquelles ils ont été contractés.

Par ailleurs, la généalogie de l’endettement des collectivités locales montre que dans bien des cas, elles ont été démarchées pour souscrire de nouveaux contrats de prêts se substituant aux précédents alors que ce n’était pas leur intérêt ; cela a provoqué un empilement de frais et d’indemnités de remboursement anticipé, le tout intégré « ni vu ni connu » dans le capital restant dû, ainsi qu’un allongement considérable de la durée de l’endettement.
Enfin, de nombreux prêts font apparaître un taux effectif global inexact exposant la banque à la substitution du taux légal au taux conventionnel. Les moyens juridiques sont donc nombreux et leur efficacité a déjà été démontrée.
Les petites souris que sont les collectivités locales ont la possibilité de renverser la montagne !

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