vendredi 30 août 2013

Le Gouvernement doit renoncer à son projet d’amnistie des fautes bancaires !

Les Echos

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Affaire Dexia :
le Gouvernement doit renoncer à son projet d’amnistie des fautes bancaires

LE CERCLE. L’Etat français cherche depuis plusieurs mois une façon de sortir de l’affaire « Dexia ». Cette banque a commercialisé aux collectivités locales des prêts qui comportent des clauses d’intérêts, dit « structurés ». C’est-à-dire variables suivant des formules de calcul parfois très complexes. Ce qui met aujourd’hui les finances publiques locales en difficulté.

De plus en plus de collectivités, pour certaines réunies au sein de l’association Acteurs Publics Contre les Emprunts Toxiques (APCET) sont décidées à agir en justice pour mettre en cause la responsabilité des établissements bancaires préteurs. Leur position a été renforcée par trois jugements du Tribunal de grande instance de Nanterre du 8 février 2013 qui, sur la question essentielle du taux d’intérêt, donnent raison au Conseil Général de Seine Saint Denis contre Dexia.

Dans ces affaires, il convient de rappeler ce qui est reproché à Dexia, à savoir d’avoir violé les règles relatives au taux effectif global (TEG).

Or, le TEG, introduit dans notre législation par le décret n°85-944 du 4 septembre 1985 et aujourd’hui codifié dans le Code de la consommation, a pour fonction essentielle de permettre à l’emprunteur de comparer le coût des crédits de même nature entres eux, mais également de favoriser la concurrence sur le marché des crédits.

Pour cela l’article L. 313-2 du Code de la consommation dispose que le TEG « doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt ». Cet article s’applique à tous les contrats de crédits consentis par un établissement bancaire.

Le législateur, afin de rendre impératif l’application de cette obligation, a donc pris soin d’en réprimer la violation par une infraction pénale (une amende de 4 500 euros). Dans l’hypothèse des prêts aux collectivités, l’absence de TEG est également sanctionnée en substituant au taux d’intérêt conventionnel, un taux d’intérêt légal.

Aucune banque ne peut ignorer cette obligation d’indiquer le TEG dans l’écrit qui constate l’accord de volonté sur le crédit qu’elle commercialise, tant le droit sur cette question est clair et précis.

Or, dans l’affaire jugée à Nanterre, Dexia s’est cru autorisée à ne pas appliquer la loi en n’indiquant pas ce TEG. C’est ce qu’a sanctionné le Tribunal. La banque a toutefois fait appel de ces décisions.

L’Etat, actionnaire principal de Dexia (et de la SFIL ayant repris une part des engagements de Dexia), cherche désormais à limiter la conséquence des actions en justice initiées par les collectivités victimes. Le Premier Ministre, a annoncé le 16 juillet dernier la mise en place « d’un fonds de soutien pour le traitement des emprunts toxiques ». Ce fonds serait alimenté à parts égales par les banques et par l’Etat. Il viendrait aider les collectivités victimes à supporter la charge de ces crédits toxiques en échange du renoncement à poursuivre leurs actions judiciaires. Dans le même temps, il est prévu de modifier la loi sur le TEG afin de « d’assurer la sécurisation juridique des contrats de prêt en cours », autrement dit d’intervenir sur le cours de la Justice, mais aussi prendre le risque de modifier une disposition légale protectrice de tous les emprunteurs.

Cette solution doit être fermement critiquée. Elle présente le double désavantage d’accorder aux banques une amnistie pour leurs fautes passées mais également, d’en faire supporter la conséquence financière au contribuable, notamment local.

Un tel projet revient à avaliser la violation du droit, y compris pénal, par les banques. Alors qu’il était question de mettre la finance au pas, la voici amnistiée et finalement encouragée à perpétuer son activité dans un sentiment d’impunité dommageable à l’intérêt général.

En outre, le Gouvernement incite les collectivités victimes à ne pas faire valoir leur droit en maintenant des contrats manifestement contraires à la loi. Une telle voie va à l’encontre de l’intérêt objectif des collectivités victimes : obtenir la transformation de leur taux d’intérêts variables parfois très élevés en taux fixes au cours légal supprimant ainsi le caractère toxique de leur prêt.

Il est en conséquence souhaitable que l’Etat revienne sur ce projet et laisse la justice indépendante passer, quand bien même, il serait, comme actionnaire principal de Dexia ou de la SFIL, intéressé au résultat des jugements à venir.

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