vendredi 3 août 2012

Crédits toxiques, l'ampleur des dégats

2 Août 2012

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Un rapport du gouvernement que Localtis s'est procuré livre une photographie inédite du poids et de la répartition des emprunts "toxiques" des collectivités territoriales. Sur près de 14 milliards d'euros que représentent ces produits bancaires complexes, un volant d'emprunts de 6 milliards d'euros fait courir de très gros risques à leurs souscripteurs, soit environ 900 collectivités ou groupements.

Dans son rapport public annuel de février 2009, la Cour des comptes appelait à la réalisation d'un "recensement de la dette structurée des collectivités et établissements publics locaux" pour connaître le montant précis de cette catégorie d'emprunts, sa part dans l'encours de dette des collectivités et sa ventilation entre les collectivités. Plus de trois ans après le rapport de la Cour des comptes, des statistiques officielles et complètes sur les crédits structurés, couramment appelés "emprunts toxiques", sont rendues publiques. Comme prévu par l'article 5 de la loi de finances rectificative du 2 novembre 2011, les services de l'Etat ont réalisé un travail considérable d'inventaire des emprunts structurés risqués ou volatils à partir des états de la dette annexés aux comptes administratifs 2010 ou des budgets 2011 de l'ensemble des départements et des régions, de plus de 25.000 communes et 9.000 organismes intercommunaux, dont l'ensemble des communautés urbaines, et 189 des 202 communautés d'agglomération.
Pour cet ensemble de collectivités, les emprunts structurés à risque (c'est-à-dire les emprunts classés à partir de 4 et D dans la typologie de la "charte Gissler") représentent un montant de 13,958 milliards d'euros. Donc un montant limité (8,7%) au regard des 160,1 milliards d'euros constituant la dette globale des collectivités locales.

Des collectivités parfois très "intoxiquées"

Ce résultat s'avère proche de celui qu'avait fourni, en décembre 2011, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les "emprunts toxiques", puisque celle-ci était arrivée à un montant de 13,656 milliards d'euros (lire ci-contre notre article du 15 décembre 2011). Pour ce faire, la commission s'était basée sur les données fournies par les banques et avait adopté une définition différente des emprunts à risque. "Si l'on adopte le périmètre retenu par la commission d'enquête, le montant des emprunts à risque […] représente 12,06 milliards d'euros", révèle à présent le rapport des services de l'Etat.
Pour mémoire, quelques mois avant les députés, la Cour des comptes estimait, dans son rapport sur la gestion de la dette publique locale, que "l'encours de la dette locale (collectivités, établissements de coopération intercommunale et divers syndicats), intègre environ 30 à 35 milliards d'euros d’emprunts structurés, dont 10 à 12 milliards d'euros présentant un risque potentiellement élevé" (lire notre article du 13 juillet 2011).
Le rapport gouvernemental qui vient d'être remis confirme ce que les acteurs du dossier avaient souligné dès les premières "révélations", à l'automne 2008, sur les emprunts structurés des collectivités : il n'existe "pas de risque systémique", mais "une forte concentration de ces produits dans certaines collectivités". En effet, 1.478 collectivités ou groupements détiennent au moins un emprunt à risque, dont 1.117 communes, 192 groupements à fiscalité propre, 97 syndicats, 62 départements et 11 régions.
Au total, seulement 3% des collectivités sont donc concernées par les emprunts structurés. Toutefois, les grandes collectivités semblent beaucoup plus touchées : plus de 60% des départements et des communautés urbaines et plus de 40% des régions et des communautés d'agglomération ont souscrit ce type de crédits.
Les emprunts structurés à risque représentent 17,7% de la dette des 1.478 collectivités ou groupements recensés. Mais il s'agit d'une moyenne. Dans certaines collectivités, la proportion de la dette "toxique" est bien supérieure. Selon le rapport, pour "211 collectivités et groupements recensés, dont 100 de moins de 10.000 habitants", "l'encours structuré à risque et/ou volatil représente plus de 50% de leur encours".
(ceci est vrai à Villeneuve)

Les services de l'Etat s'organisent

Il faut aussi faire une distinction entre les produits structurés en fonction du degré de risque qu'ils peuvent générer. Les produits classés "hors charte [Gissler]", c'est-à-dire les plus dangereux, représentent un peu plus de 6 milliards d'euros, soit 43,5% du total des emprunts structurés. Ils concernent 894 collectivités territoriales et groupements. Les communes détiennent 2,8 milliards d'euros classés "hors charte", soit 47% de l'encours "hors charte". Les départements en possèdent 1,4 milliard d'euros, soit 24%. Les régions et les intercommunalités "ne détiennent qu'un faible volume d'encours d'emprunts classés 'hors charte'" (moins de 500 millions d'euros).
Une lecture plus fine permet de constater que les communautés urbaines, les départements et les communautés de communes ayant souscrit des emprunts structurés ont un encours d'emprunts classés "hors charte" représentant la moitié ou plus de leur encours d'emprunts structurés à risque.
Parmi les emprunts "hors charte", les emprunts indexés sur le taux de change euro/ franc suisse atteignent un capital restant dû de 3,127 milliards d'euros. 461 organismes locaux ont souscrit ce type d'emprunt dont les taux se sont envolés depuis mi-2010.
Le rapport rappelle qu'une cellule interministérielle de suivi des emprunts à risque du secteur local a été créée en octobre 2011, afin de gérer les difficultés liées à ce type de produits bancaires. Sur le même principe, des cellules départementales de suivi de la dette ont été créées dans chaque département en mars 2012. Pour les emprunts non classés "hors charte", elles contribuent à la recherche de solutions de sortie avec les collectivités et les banques. Les emprunts classés "hors charte" sont traités, quant à eux, par le médiateur national mis en place en 2010.


Thomas Beurey / Projets publics

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