samedi 21 février 2015

Emprunts toxiques : « L’Etat doit donner rapidement de la visibilité aux élus »

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Depuis l’envolée du franc suisse par rapport à l’euro, le dispositif de soutien mis en place par l’Etat, via la création d’un fonds de 1,5 milliard d’euros sur 15 ans, ne tient plus. Selon le consultant Michel Klopfer, des alternatives existent, même si elles ne résoudront qu’une partie du problème. S’il conseille à toutes les collectivités impactées de déposer administrativement un dossier au fonds, il souligne également la difficulté de trouver suffisamment de ressources pour couvrir les échéances dégradées de l’année 2015. Le temps presse.

Parce qu’ils sont activés et même lourdement activés, c’est-à-dire que le rapport entre les deux monnaies de référence a très largement enfoncé le plancher. Dans ces produits activés dits « in the money », le prix payé comprend déjà le coût immédiat de la détérioration du produit, en l’occurrence le fait que l’option se déclenche lorsque l’on tombe au-dessous de 1 euro = 1,40 à 1,45 franc suisse et que l’on oscille en ce moment entre 1,05 et 1,09 franc suisse. Dans le cas d’un produit qui n’est pas activé « out of the money », il y a juste une valeur-temps à l’instant « t », que l’on appelle la volatilité mais qui est d’autant plus importante qu’il reste un nombre élevé d’années.

Les collectivités impactés par ces produits ont-elles intérêt à solliciter l’aide du fonds de soutien mis en place par l’Etat ?

Toutes les collectivités concernées doivent au moins questionner le fonds, car cela ne les engage à rien à ce stade. Celles qui l’ont sollicité fin 2014 auront une réponse fin mars et auront jusqu’à fin mai/début juin pour se décider. Celles qui le feront d’ici au 30 avril, auront une réponse vers la fin juin et pourront se décider jusqu’en août, voire septembre. Se décider, cela veut dire délibérer en assemblée ou en commission permanente, soit pour signer la transaction avec la banque, soit au contraire pour (re)prendre les armes.

L’Etat peut-il et doit-il augmenter le fonds de soutien ?

Cette décision est avant tout un choix politique dans un contexte de finances nationales contraintes dont aucun responsable ne peut faire abstraction. Tout le problème actuel est d’arriver à trouver suffisamment de ressources pour l’année 2015. J’ai déjà suggéré de porter le fonds de 1,5 milliard sur 15 ans à 2,5 milliards sur 25 ans. Budgétairement, cette option ne coûte rien dans l’immédiat à l’Etat, mais elle ne résout pas totalement le problème de l’année 2015 où il faudra bien plus de 100 millions d’euros d’argent frais. Mais en ajoutant 1 milliard à terme, on pourrait donner de l’oxygène aux collectivités avec toutefois une condition préalable de nature budgétaire et comptable.
Cela fait un an et demi que j’ai suggéré aux ministères de créer au sein de la norme M14 le compte budgétaire 27 639 (créance sur le fonds de soutien) qui viendrait officiellement en déduction de l’encours de dette et par conséquent épongerait dans les ratios d’endettement une bonne partie des soultes de refinancement. J’avoue ne pas comprendre pourquoi ce dispositif comptable qui ne coûte strictement rien à l’Etat, et qui était déjà nécessaire à l’époque où l’euro valait encore 1,20 franc suisse n’a toujours pas été validé.

Existe-t-il d’autres alternatives que l’augmentation du volume du fonds de soutien ?

Face à l’explosion des coûts de sortie des emprunts en franc suisse et qui sont passés de 180 % à 300 % du capital restant dû, il faut jouer de plusieurs registres à la fois. 
D’une part, il est possible de changer les barèmes de la notation, qui avaient été mis en place en novembre dernier, pour bénéficier du fonds. Actuellement, le dispositif repose sur l’attribution de deux notes : la première à la collectivité (de 0 à 22,5 %), déterminée en fonction de quatre critères(1) ; et la seconde, pour les contrats, également de 0 à 22,5 %, et calculée selon une formule mathématique(2). Les communes de moins de 10 000 habitants bénéficient de plus d’une bonification de 0 à 7,5 %.
Il serait par exemple, envisageable de réduire la part de la note de la collectivité et en revanche de surpondérer celle du contrat. Et pour cette note contrat, j’ai suggéré que la formule mathématique soit élevée au carré, voire même au cube.

Quel en serait l’avantage ?

Cela aurait pour effet de réserver le bénéfice du fonds aux détenteurs des contrats les plus dangereux, ceux exposés au risque devise sur lesquels on mettrait le paquet. Mais il ne s’agit que d’une combinaison de mesures qui permettra d’éponger la hausse du franc suisse… Quant aux contrats de pente (CMS), laissons les mourir de leur belle mort : ce n’est pas avec une inflation zéro que les taux courts vont monter au-dessus des taux longs ! Quand on souffre d’un cancer et qu’on a besoin d’une chimio, on ne se soucie pas d’une égratignure qu’on a par ailleurs sur le poignet…

Vous suggérez aussi une révision du mode de fonctionnement du fonds de soutien ?

Il faut surtout que l’Etat donne rapidement de la visibilité aux emprunteurs. J’ai proposé que les trois ans renouvelables pour bonifier les échéances dégradées deviennent systématiquement trois ans renouvelés, car on ne peut pas demander à des emprunteurs qui ont des prises juridiques sur les banques de les abandonner définitivement, en ne les couvrant en contrepartie que jusqu’en 2018…
J’ai aussi suggéré d’autoriser le panachage qui consiste à morceler la désensibilisation en fonction des capacités financières de la collectivité.
Enfin, l’Etat doit annoncer clairement qu’il rendra éligibles toutes les échéances dégradées intervenues depuis le 1er janvier 2015 au bénéfice des collectivités qui souscriront in fine au fonds. Celles de 2014 ne l’ont pas été, sauf s’il y a eu le jour même un réaménagement du produit. Cette question n’est pas tranchée aujourd’hui. Ces possibilités font leur chemin, mais il ne faut pas attendre trop longtemps pour mettre en place cette visibilité demandée par les collectivités, car le temps joue clairement contre l’Etat et contre la Société de financement local (SFIL). Aussi il faut trouver des solutions rapidement.

Vu le contexte financier instable, vaut-il mieux suspendre les négociations ?

Je ne conseille à mes clients d’accepter une sortie définitive d’un contrat que si la banque a vraiment lâché du lest, indépendamment du fonds. En ce sens, il faut à la fois jouer de l’argumentaire juridique et de l’argumentaire commercial dans la discussion avec le prêteur.
J’ai toujours défendu l’idée qu’il fallait privilégier la désensibilisation horizontale sur la verticale, c’est-à-dire en ne sortant le produit toxique que progressivement pour ne pas faire exploser l’encours de dette et aussi pour ne pas payer une volatilité démesurée aux banques de contrepartie américaines ou suisses.

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