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Emprunts toxiques : décryptage du jugement en faveur de Saint-Etienne
La ville de Saint-Etienne a remporté la première victoire d’une longue bataille, jeudi 24 novembre 2011 : le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a, en effet, débouté la demande de paiement de la Royal Bank of Scotland (RSB) concernant les échéances de deux swaps que lui avait achetés la ville entre 2006 et 2007. « Le combat n’est pas terminé », souligne Thierry Marembert, l’avocat de Saint-Etienne. Pourtant, cette décision du TGI de Paris marque un tournant pour toutes les villes qui ont lancé une procédure contentieuse car elle donne une « première tendance », souligne Didier Seban, avocat à la cour.
Le contexte
Pour comprendre les enjeux de cette décision du TGI, il faut revenir sur le contexte. Entre 2006 et 2007, la ville de Saint-Etienne a désiré restructurer sa dette : elle a donc échangé des produits structurés qu’elle avait achetés à Natixis (adossés sur des produits de pente) contre d’autres produits structurés qu’elle a achetés à la RBS (des snow ball).Cet échange, sous forme de swap, a porté sur deux produits pour un montant de 16 millions d’euros. La ville de Saint-Etienne possédait donc deux swaps « snow ball » dont elle devait payer les intérêts à la RBS : ils sont entrés en phase toxique en mai et juin 2011.
Or, le fonctionnement des snow ball est particulièrement pervers puisqu’il s’agit de taux d’intérêt cumulatifs : c’est-à-dire que les augmentations de taux d’intérêt s’additionnent pour atteindre 20 %, 30 % ou même 40 %.
« Début 2011, la ville de Saint-Etienne a donc assigné la RBS devant le TGI de Paris pour faire annuler les deux contrats », explique Cédric Grail, directeur général adjoint de la ville de Saint-Etienne.
La décision de cette instance, qui juge l’affaire sur le fond, dure généralement plusieurs années. Or, pendant ce temps, la ville de Saint-Etienne a tout bonnement décidé de suspendre ses paiements sur les deux produits incriminés.
« Nous considérons ces contrats comme nuls », précise Cédric Grail.
La décision
S’estimant flouée, la RBS a saisi le juge des référés du TGI de Paris afin d’obtenir le remboursement des échéances. Et la banque a été déboutée : en clair, le juge a estimé que Saint-Etienne a raison de ne pas payer.Quels sont les arguments de cette décision ? Pour que la faute commise par Saint-Etienne soit reconnue, il aurait fallu que la convention liant la banque à la collectivité « ne puisse être suspectée d’illicéité » d’après les termes du jugement.
Or, précisément, le juge a estimé que « les swaps vendus aux collectivités territoriales se sont révélés être des produits spéculatifs à haut risque » et que leur « légalité est aujourd’hui sérieusement contestée devant le juge du fond ».
Conclusion : la ville de Saint-Etienne ne commet pas de « trouble illicite » en ne payant pas les intérêts. Didier Seban voit là un signal fort de la juridiction : « La ville de Saint-Etienne est allée loin en refusant de payer. Mais la décision du juge montre qu’il a un doute sérieux sur la légalité des contrats en cause ».
Les enjeux
Bien évidemment, la portée de cette décision concerne en premier lieu Saint-Etienne : « C’est surtout une bonne nouvelle pour les contribuables stéphanois », insiste Thierry Marembert.De plus, elle concerne ce dossier bien particulier : « C’est une excellente décision. Mais elle n’a, par principe, pas vocation à valoir règle générale. D’autant moins que la décision rendue a porté sur une mesure et non sur l’interprétation d’une règle de droit », prévient Bruno Wertenschlag, avocat, directeur associé du cabinet Fidal.
Pourtant, elle peut conforter les collectivités concernées par les emprunts toxiques dans leur démarche de contentieux. Car, selon Michel Klopfer, consultant auprès des collectivités locales, « elle montre aux banques que leurs positions ne sont pas, juridiquement, si honnêtes que cela. Certains prêteurs ont sous-estimé que les collectivités peuvent marquer des points devant les tribunaux ».
Elle peut donc être lue comme un signal positif : « C’est une première victoire pour tous les contentieux. Cela peut encourager les collectivités à engager des procédures », estime Didier Seban.
Libre ensuite, à chacune d’elle, de définir une stratégie : continuer à payer les taux d’intérêts pendant la procédure (principe que certains avocats défendent) ou bien suspendre son paiement, comme l’a fait Saint-Etienne.
Dexia maintenant
- En tout état de cause, Saint-Etienne ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. La ville travaille actuellement sur des projets d’assignation concernant trois emprunts structurés Dexia, indexés sur des taux de change et des produits exotiques.
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