jeudi 6 novembre 2014

Emprunts toxiques : la formulation inappropriée de la circulaire sur le fonds de soutien

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Emprunts toxiques : la formulation inappropriée de la circulaire sur le fonds de soutien
Publié le 05/11/2014 •  Michel Klopfer,
Le très attendu fonds de soutien pour les emprunts toxiques va devenir opérationnel dans les dernières semaines de l’année, et à ce titre les préfectures et les directions départementales des finances publiques viennent de recevoir une instruction signée par quatre ministères (Finances, Intérieur, Décentralisation et Outre-mer).
Ce n’est que l’avant dernière étape avant la mise en place effective du fonds puisque chacun attend encore la pondération des critères définis par le décret du 29 avril dernier, à savoir l’encours de dette, la capacité de désendettement, le potentiel financier et la part et la composition de la dette toxique, afin d’évaluer précisément ce qu’il pourra ou non en retirer.
Pour nombre d’emprunteurs concernés, il y aura en fait trois choix possibles :
  • A) S’inscrire dans le fonds au titre d’un réaménagement de l’encours ;
  • B) S’inscrire dans le fonds au titre du paiement d’échéances dégradées ;
  • C) Maintenir (ou lancer) une assignation en déclinant le recours au fonds.
Aussi bien l’article 92 de la loi de finances pour 2014 que le décret du 29 avril dernier avaient prévu pour les futurs bénéficiaires du fonds, une alternative entre les solutions A et B.
« Dans une phase initiale et pour une durée limitée à trois ans à compter du dépôt de la demande, une part de cette aide peut néanmoins être versée pour faire face aux charges financières relatives à ces emprunts et instruments. A l’issue de cette phase, les collectivités territoriales ou établissements publics mentionnés au premier alinéa peuvent obtenir, dans les conditions déterminées par le Comité national d’orientation et de suivi et pour une durée de trois ans renouvelable, la poursuite du versement de l’aide jusqu’au terme des emprunts et des instruments financiers » .
Cette option pour un abondement des échéances dégradées et pour laquelle nous avions nous-même longuement plaidé auprès des Ministères en 2013 a pour avantage de coûter beaucoup moins cher aux finances publiques, puisqu’elle n’oblige pas à régler des coûts prohibitifs de volatilité aux banques de contrepartie, généralement américaines ou suisses.
Nombreux effets pervers - Or l’instruction du 22 octobre, par une formulation inappropriée, risque de rendre cette option B totalement inopérante puisqu’il y est porté que pour permettre la complétude du dossier, les collectivités demanderesses devront fournir « un projet non signé de transaction portant sur le ou les contrats éligibles au fonds de soutien (…) accompagné des montants de l’indemnité de remboursement anticipé due à l’établissement prêteur, si le remboursement était intervenu au 31 décembre 2013 et s’il était intervenu au 31 décembre 2014. » !
Or il n’est techniquement pas possible que le prêteur et l’emprunteur concluent un protocole avant le 15 mars 2015 avec un effet différé à 2018 et que la collectivité présente entre temps au bénéfice du fonds des surcoûts d’échéances dégradées. Tout simplement parce que le prêteur est adossé à une contrepartie de type JP Morgan, UBS ou autre. Et il ne pourra résilier sa position vis à vis de sa contrepartie que lorsque le contrat structuré qui le lie à l’emprunteur aura été lui-même éliminé.
Ce texte s’il n’était pas rapidement amendé aura nombre d’effets pervers et des collectivités, qui ont des échéances aujourd’hui non activées en USD/JPY ou en CMS, risquent de les renégocier en catastrophe en payant une volatilité démesurée alors qu’on pourrait « laisser du temps au temps » en les autorisant à s‘inscrire au fonds de soutien au titre de l’option B, ce qui permettrait à ces contrats de s’amortir lentement sans mobiliser outre mesure les finances publiques, l’existence du fonds constituant un filet de sécurité pour ces collectivités, si le produit s’activait ultérieurement.
Des taux de couverture trop modestes - Et lorsqu’il s’agit de contrats activés exposés eux à la parité du franc suisse, alors il faut permettre à la collectivité qui aura à payer à la banque fin 2014, début 2015 une importante soulte de sortie laquelle lui sera reprêtée par un jeu d’écritures, d’inscrire en contrepartie une créance budgétaire et comptable sur le fonds, créance déductible de son encours de dette et donc de ses ratios d’analyse financière et qui lui sera remboursée sur 15 ans
En revanche si on gaspillait des ressources du fonds pour payer autre chose que de véritables surcoûts, alors le résultat implacable sera qu’avec seulement 1,5 milliard d’euros dotés sur 15 ans pour un risque potentiel de 15 milliards d’euros, soit 10 fois plus, on aboutirait à des taux de couverture bien trop modestes et qui risquent de pousser nombre d’emprunteurs vers la solution C c’est à dire le maintien de leurs assignations devant les tribunaux.

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