mardi 4 juin 2013

Dexia, emprunts toxiques: n'ajoutons pas des scandales au scandale

http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/06/03/dexia-emprunts-toxiques-n-ajoutons-pas-des-scandales-au-scandale_3422687_3232.html

Dexia, emprunts toxiques: n'ajoutons pas des scandales au scandale

Le Monde.fr | • Mis à jour le | Par

Entre 2002 et 2008, Dexia, la banque qui avait toute la confiance des collectivités territoriales, a mis en œuvre un modèle de développement hallucinant fondé sur le financement de centaines de milliards de prêts à long terme par des ressources à court terme et la diffusion massive dans le secteur public français de produits hautement spéculatifs, des options dissimulées dans la formulation absconse des "emprunts structurés".
Ceci pour le plus grand profit de banques américaines comme JP Morgan ou Goldman Sachs, heureuses de voir s'ouvrir en Europe un nouveau marché rentable à travers les contreparties qu'elles apportaient.
Des dérives qui auraient pu faire l'objet d'une "étude de cas" pour étudiant de deuxième année de Sciences économiques afin d'illustrer tout ce qui doit être impérativement évité en matière de financement du secteur public... et qui n'ont pourtant ému aucun PDG, aucun ministre, aucune instance de contrôle durant toutes ces années.
Le résultat fut de mettre en danger une partie du système financier européen et d'introduire dans le secteur public français une spirale de risques invraisemblable.
Il faudra un jour expliquer comment un tel aveuglement a été possible, sur fond de confiance illimitée dans la dérégulation des marchés, la valorisation des " bonus " et superprofits en tous genres, le confort de l'entre soi du petit monde de la finance.
LA PIRE DES SOLUTIONS
L'effondrement total de Dexia, qui eût été la pire des solutions, a été évité au prix d'une nationalisation. Et la collectivité est donc encore une fois appelée à régler la facture : elle a d'ailleurs déjà commencé à le faire à hauteur de 6 milliards d'euros depuis 2008.
Désormais, il appartient au gouvernement de maîtriser l'incendie hérité de ses prédécesseurs, "limiter la casse" pour le contribuable, rétablir la primauté de l'intérêt général. Ce sera difficile et probablement plus coûteux encore que dans le précédent du Crédit Lyonnais en raison de l'ampleur du portefeuille encore détenu par Dexia et ses filiales.
Pour le seul dossier des "emprunts toxiques" - 11 milliards d'euros d'encours Dexia dont 9 milliards transférés à la nouvelle Société publique de Financement local (SFIL) - toute la question est de savoir comment.
Une première voie est ouverte par les rapports de l'Inspection générale des finances (IGF), qui a l'avantage de la simplicité : l'Etat doit être protégé, le contribuable local doit payer (rapport de juin 2012), les hôpitaux concernés aussi (rapport sur les hôpitaux de mars 2013).
Il suffirait donc d'annoncer aux contribuables de la Seine-Saint-Denis, du Rhône, de Trégastel, Saint-Maur-des-Fossés, Saint-Etienne, etc. le doublement de leurs impôts locaux et d'exiger que les CHU reportent l'achat de scanners, IRM et médicaments à des jours meilleurs pour rembourser la SFIL rubis sur ongle !
Une approche confondant intérêt budgétaire de l'Etat et intérêt de la collectivité nationale qui laisse pantois. Une approche totalement ignorante des réalités des collectivités locales, qui se battent depuis près de cinq ans, ont engagé des contentieux plus que crédibles et n'accepteront jamais que le contribuable local soit le dindon de cette triste farce.
Une voie qui fait des victimes les débiteurs obligés de leurs pseudo-conseillers, qui ajoute donc des scandales au scandale. Inacceptable évidemment pour quiconque a quelque peu le sens de la justice.
INTÉRÊT GÉNÉRAL
Une autre voie est possible, qui serve, elle, l'intérêt général. Il est vrai qu'elle est plus difficile à mettre en œuvre aujourd'hui, après quatre ans d'inaction et de mépris des alertes lancées dès 2008 par les élus locaux. Lestée de ces produits pourris, la SFIL ne parvient pas, en effet, à se refinancer sur les marchés et la facture de l'Etat menace d'enfler considérablement.
Cette voie passe par un examen objectif des solutions de sortie les moins coûteuses pour l'ensemble des contribuables locaux comme nationaux. Il ne saurait être question, par ailleurs, que les ressources des hôpitaux soient utilisées pour payer des taux d'intérêt faramineux.
La solution doit impliquer nécessairement le système bancaire (car il n'y a pas que Dexia...) responsable initial de cette déroute.
Les collectivités mobilisées dans l'Association Acteurs Publics Contre les Emprunts Toxiques (APCET) sont disponibles, comme elles l'ont toujours affirmé, pour examiner toutes les hypothèses techniques s'inscrivant dans cette perspective.

Fortes de leur bonne foi et de leurs solides arguments juridiques, elles ne " lâcheront rien " pour substituer dans leurs comptes des crédits " normaux " à ces emprunts toxiques, sans aucune intention, à l'inverse, d'exploiter des jugements qui leur seraient excessivement favorables.
Que cette solution passe par le cantonnement de ces prêts toxiques dans une structure de défaisance gérée dans la durée, comme je le pense depuis le début, ou par un autre mécanisme peut évidemment se discuter. Les échanges intenses engagés depuis quelques mois avec le gouvernement doivent maintenant conduire à une conclusion acceptable, faute de quoi les contentieux se poursuivront durant de longues années.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire