jeudi 11 juin 2015

Emprunts toxiques : affaires à suivre !

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Emprunts toxiques : affaires à suivre !

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La récente effervescence autour de la dernière échéance pour le dépôt d’un dossier auprès du fonds de soutien a entraîné une impression générale d’essoufflement des contentieux pendants en matière d’emprunts structurés souscrits par les collectivités territoriales.

Les décisions du fonds ne garantissant cependant pas de manière certaine une sortie des emprunts structurés dans des conditions financières favorables pour les collectivités concernées et les réponses du Fonds devant être rendues au plus tard fin 2015, il convient de suivre d’un œil attentif l’évolution des jugements rendus récemment en la matière.
A ce titre, deux décisions nous semblent mériter quelques éclaircissements.

TGI Nanterre 6e ch., 24 avril 2015, Commune de Carrières-sur-Seine c/ DEXIA, n° 11/12631
Dans cette affaire, la commune de Carrières-sur-Seine a  souscrit en 2007 deux emprunts structurés auprès de Dexia dont le taux d’intérêt est indexé sur la parité CMS EUR 20 ans – CMS EUR 2 ans, ainsi que sur la parité euro/franc suisse.
L’apport essentiel de ce jugement pour les collectivités est de reconnaître la qualité d’emprunteur non-averti à une commune de 16 000 habitants environ dans le cadre de la conclusion d’un prêt structuré, et de constater un manquement de la banque à son obligation d’information dans le cadre de la souscription de ce type d’emprunt, engageant sa responsabilité.
La juridiction nanterroise souligne, à juste titre, que le type d’emprunt souscrit intègre un prêt et un ou plusieurs instruments dérivés qui en font un contrat complexe ne pouvant être appréhendé que par un emprunteur averti ou sous la bienveillance d’un professionnel de la finance des marchés.
Dès lors, tout en rappelant que la qualité d’emprunteur averti s’apprécie in concreto et que le fait d’être assisté par un conseil au moment de la souscription ne suffit pas à établir cette qualité, le tribunal retient que ni le maire, ni les services de la mairie ne disposaient d’une compétence avérée en matière d’instruments financiers au moment de la signature des contrats.
Il est important de relever que si le tribunal n’a pas accueilli la demande de dommages et intérêts de la commune, ce n’est que parce que cette dernière n’a pu rapporter la preuve du préjudice de perte de chance exigé par la jurisprudence. Ceci devrait attirer l’attention des collectivités engagées dans des contentieux semblables sur la nécessité de verser aux débats des documents précis afin de justifier de la manière la plus claire possible auprès du juge du préjudice invoqué.
Enfin, dans une moindre mesure, la loi de validation n’ayant pas été contestée dans cette affaire, l’argument relatif à l’absence de taux effectif global dans les contrats de prêt est considéré comme sans objet.

TGI Paris, 12 mai 2015, Saint-Maur-des-Fossés c/ S.A. CREDIT FONCIER DE France, n° 12/09334
La particularité de cette affaire est que la commune n’a pas soulevé la non-conformité de la loi de validation à la CEDH mais s’est limitée à soulever l’inapplicabilité de la loi du 29 juillet 2014 à un emprunt structuré souscrit en 2007 par la commune et dont le taux d’intérêt était indexé sur la parité euro/franc suisse.
Le tribunal a rejeté l’ensemble des moyens soulevés par la commune fondés essentiellement sur l’absence de mentions relatives au taux effectif global (TEG) normalement exigées par le code de la consommation au motif que ces manquements étaient tous couverts par la loi de validation. Seul le moyen tiré du défaut d’affichage du taux conventionnel qui aurait dû être présenté à la commune en qualité d’emprunteur non professionnel a été jugé recevable, mais il a été immédiatement rejeté au motif que la collectivité ne peut être considérée comme un consommateur ou un non-professionnel eu égard à l’importance du montant du prêt de 5 millions d’euros contracté.
On relèvera que cette décision ne se prononce pas sur la qualité d’emprunteur averti de la commune qui n’avait pas été invoquée par cette dernière et qui aurait nécessité une appréciation in concreto, comme dans le cas du précédent jugement. C’est donc logiquement sur la qualité de consommateur ou de non-professionnel invoquée par la commune que s’est prononcé le tribunal. Il est essentiel de rappeler l’importance de distinguer la notion d’emprunteur non averti de celle d’emprunteur non professionnel. Seule la preuve de la qualité d’emprunteur non averti permet d’engager la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde.
Par ailleurs, le choix de la commune de se limiter à des demandes fondées sur les dispositions du code de la consommation concernant le TEG a été périlleux, aucun autre moyen n’ayant été soulevé quant à d’éventuels manquements à l’obligation d’information de la banque.

A l’heure actuelle, si la responsabilité de la banque est appréciée au cas par cas au gré des décisions, les juridictions du premier degré devront bientôt se prononcer sur le moyen relatif à la non-conformité de la loi de validation à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales , qui reste l’un des atouts majeurs des collectivités.


 Jean-Louis Vasseur et Sara Nouri-Meshkati,
Avocats - Cabinet Seban & Associés

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