lundi 1 juin 2015

Les prêts toxiques : encore une entourloupe des banquiers avides de l'argent d'autrui...

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Les prêts toxiques : encore une entourloupe des banquiers avides de l'argent d'autrui...

31 MAI 2015 |  PAR DANIEL CAUVIN


Une "escroquerie en bande organisée"

La commune de Rosny-sous-Bois, dans les Yvelines, est apparemment la première collectivité à avoir déposé, en septembre 2011, une plainte au pénal relative à des prêts toxiques, avec constitution de partie civile. Elle était dirigée contre Dexia Crédit local, et visait des faits " d'escroquerie en bande organisée " et de "tromperie".

Il faut savoir que toutes les catégories d'acteurs publics, sans aucune distinction, ont été victimes des prêts toxiques : régions, départements, communautés urbaines, communes, syndicats intercommunaux, hôpitaux publics, organismes de logement social. Même des associations se sont fait prendre au piège de ces prêts, comme l'association éducative Arc-en-ciel à Nîmes.

Les banquiers sont les principaux fautifs de la situation financière catastrophique dans laquelle se débattent des milliers de collectivités et organismes publics (dont 5 000 communes selon une enquête parlementaire). Ce sont eux, en effet, qui ont créé des "prêts structurés" hypercomplexes et risqués dans le seul but d'augmenter leurs profits en capturant dans leurs filets les collectivités locales et les établissements publics. Se défaussant de l'obligation de conseil qui leur incombait, parachevant au contraire le piège pour s'en extirper sans dommage en cas de pépin, ils avaient prévu de leur faire supporter l'intégralité d'un risque que, malheureusement, ces souscripteurs n'étaient pas en mesure d'évaluer...

Etranglés par le surcoût des prêts

Pour financer leurs investissements, les collectivités locales et leurs établissements publics ont traditionnellement recours à l'emprunt. Or, il y a une quinzaine d'années, au lieu de leur proposer, comme par le passé, des emprunts sans risque (des prêts à taux fixe ou à taux révisable classiques), les banques les ont fortement incités à prendre des produits plus rémunérateurs pour elles, mais beaucoup plus risqués pour l'emprunteur. En effet, le taux de ces prêts, dits "structurés", évolue à partir d'un index à risque, comme le taux de change des monnaies (par exemple : la parité euro/franc suisse). La crise financière de 2007-2008 a transformé ces prêts structurés en "prêts toxiques" : les souscripteurs, pris au piège, n'ont pas eu d'autre choix que de continuer à payer des intérêts exorbitants ou de rembourser leurs emprunts par anticipation, en acquittant une indemnité considérable, appelée soulte, parfois supérieure au montant même du prêt...

L'Etat ne défend plus l'intérêt général !

Malgré l'accablante responsabilité des banques, l'Etat, non seulement a fait montre d'une passivité coupable, se refusant à sanctionner leurs agissements délictueux, mais encore il a volé au secours de ces prédateurs ! Ainsi, lorque la banque DEXIA, grande distributrice des prêts toxiques, a connu des difficultés liées à une gestion aventureuse et à des pratiques spéculatives, au lieu de laisser les créanciers de cette banque subir les pertes encourues, la Belgique, la France et le Luxembourg ont mis en place trois plans de sauvetage successifs ! Et pourtant sans succès car, finalement, fin 2012, DEXIA a dû être démantelée...

Après quoi, le gouvernement français a créé, en janvier 2013, la Société de Financement local (SFIL), une structure à 100 % publique : son capital est détenu à 75 % par l'Etat, à 20 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 5 % par la Banque postale. Dans sa corbeille, cette société a reçu un portefeuille de 90 milliards d'euros de prêts déjà consentis à des collectivités, dont 8,5 milliards d'euros d'encours toxiques. Il s'agit du portefeuille de prêts de DEXMA (Dexia Municipal Agency) racheté pour 1 euro symbolique.

S'apercevant, à la fin de l'année 2013, qu'un certain nombre de décisions de justice condamnaient les banques dans les litiges sur les prêts toxiques, le gouvernement français a inscrit dans le Projet de Loi de Finances pour 2014 un article destiné à valider rétroactivement les contrats de prêts toxiques illégaux en raison de l'absence de mention de TEG. Par ce tour de passe-passe, l'Etat, qui avait désormais pris à son compte le risque des 8,5 milliards d'euros d'encours toxiques de DEXIA, tentait de se prémunir contre la jurisprudence des tribunaux civils en défaveur des banques. Saisi par des députés et des sénateurs, le Conseil constitutionnel, le 29 décembre 2013, a déclaré cet article de loi inconstitutionnel. Sa tentative initiale ayant échoué, le gouvernement s'est obstiné dans son dessein déloyal de priver les collectivités publiques d'un moyen efficace de défendre leurs droits devant les tribunaux : il a déposé le 23 avril 2014 un nouveau projet de loi visant à valider rétroactivement tous les contrats de prêts toxiques dont le taux effectif global, le taux de période ou la durée de période n'était pas mentionné ou était erroné...

Pour suppléer les élus, des citoyens se mobilisent

Il est inacceptable que le surcoût généré par les emprunts toxiques soit supporté par les citoyens, avec toutes les conséquences préjudiciables qui en résultent :

" A la différence de l'Etat qui peut créer du déficit, les collectivités et les établissements publics ont l'obligation d'équilibrer leur budget. En conséquence, c'est le citoyen en tant que contribuable ou usager des services publics qui, au final, supportera le surcoût, que ce soit sous la forme d'une augmentation de ses impôts locaux et des autres taxes dues au titre des services reçus des structures intercommunales, ou à travers la dégradation des services publics locaux consécutive à des coupes budgétaires. Les banques ont fait du citoyen la variable d'ajustement de l'équilibre budgétaire des collectivités. " (Patrick Saurin, Les prêts toxiques, une affaire d'Etat, Editions Demopolis, 2013)

Après avoir accompli un travail préliminaire d'audit de la dette locale et d'information de la population, des citoyens, réunis en collectif, se sont proposés de passer à une nouvelle étape en déférant les banques à la justice dans le cadre d'une action rarement utilisée, appelée "autorisation de plaider", qui permet à des citoyens d'agir à la place d'élus défaillants. Car, non seulement, les contrats afférents aux prêts toxiques sont entachés d'illégalités multiples par suite de la violation de nombreux principes de droit, mais encore, la dette souscrite est suspecte d'illégitimité :

" La notion de dette illégitime, généralement utilisée à propos des Etats, peut être invoquée par les collectivités territoriales, les établissements publics, les organismes de logement social, et plus généralement par tout acteur intervenant dans la vie publique locale dans le cadre d'un service aux administrés. Une dette illégitime est traditionnellement définie comme une dette contraire à la politique publique, injuste, inadaptée ou abusive. [...] Un pays ne peut être contraint de la rembourser dans la mesure où les conditions dans lesquelles la dette a été contractée violent la souveraineté de l'Etat et les droits humains. [...] Pour ce qui est de la dette publique locale, la dette illégitime est représentée par les surcoûts des prêts toxiques qui obèrent les finances des collectivités et des établissements publics, et ont pour seule cause la volonté spéculative des banques bien éloignée de l'intérêt général. [...] A l'instar de Monsieur Jourdain qui faisait de la prose dans le savoir, les communes de Sassenage, Saint-Etienne, leurs consoeurs et les autres acteurs publics locaux qui refusent de payer les intérêts exorbitants des prêts toxiques reprennent et mettent en application, sans le savoir, le mot d'ordre d'annulation de la dette illégitime et/ou illégale à partir duquel, depuis plus de vingt ans, le Comité pour l'annulation de la dette du Tiers-Monde (CADTM) développe son action." (op. cit.)

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