jeudi 11 avril 2013

Emprunts Toxiques... Attention Danger !

http://www.liberation.fr/economie/2013/04/09/bercy-contraint-a-la-solidarite-bancaire_895024

Pour éviter de perdre trop d’argent via Dexia, le gouvernement veut protéger les établissements financiers liés aux emprunts toxiques des collectivités locales.

Libération
Banquiers, rassurez-vous, l’Etat français veille sur vous. Après avoir fait voter une loi bancaire particulièrement timide, le gouvernement veut maintenant amnistier les établissements financiers à propos du sujet brûlant des emprunts toxiques contractés par les collectivités locales. Pierre Moscovici envisage ainsi d’introduire un article dans le projet de loi Hamon sur la consommation, qui doit être présenté en mai en Conseil des ministres, pour modifier rétroactivement la loi au profit des établissements financiers. L’information, révélée hier par le Figaro, était confirmée par des sources bancaires.
A l’origine de cette initiative de Bercy, le jugement du tribunal de Nanterre, le 8 février, qui a donné raison au conseil général de Seine-Saint-Denis face à Dexia (lire Libération du 9 février). Les juges ont ordonné l’annulation des taux d’intérêt de trois emprunts structurés vendus au département en 2007 et 2008, et leur remplacement par le taux légal (soit 0,7%). Motif : vice de forme. La banque avait oublié de mentionner le taux effectif global (TEG) sur le fax envoyé à la collectivité dans lequel elle s’engageait à conclure le prêt. C’est bête ! Tout contrat sans TEG est considéré comme non valable par la justice…
Moribond. Depuis, Dexia a annoncé faire appel, mais les défenseurs des collectivités locales exultent, et appellent toutes les communes, départements ou régions détenteurs d’emprunts toxiques à porter l’affaire en justice. Les banquiers et le gouvernement, eux, paniquent. Comme le confie un haut fonctionnaire, «nous n’avions pas du tout prévu cette décision de justice». Selon les banquiers, la perte globale pourrait être de 20 milliards d’euros si tous les clients qui ont contracté un prêt à partir d’un fax omettant le TEG se retournent contre leur créancier et obtiennent la substitution par le taux légal. BPCE (Banques populaires-Caisses d’épargne), le Crédit agricole et la Société générale (trois banques actives sur le marché des prêts structurés aux collectivités locales) sont en première ligne. «Mais il s’agit d’un risque théorique, tempère un banquier. Les clients à la recherche de nouveaux financements n’ont pas intérêt à se mettre à dos leur banque.»
Pour Dexia, en voie de démantèlement, et qui n’accorde plus aucun prêt, le risque est bien réel. D’ores et déjà, 70 assignations ont été déposées contre la banque et la liste s’allonge tous les jours. Et qui se trouve derrière Dexia ? L’Etat. Il est directement actionnaire de cet établissement moribond et la majeure partie des prêts toxiques a été transférée à une entité publique ad hoc, la Société de financement local (SFIL). Selon les estimations, sa perte potentielle serait de 10 milliards d’euros. D’où sa motivation à amnistier les banquiers. Il y va de l’équilibre des finances publiques !
Rétroactif. Pour éviter que la décision du tribunal de Nanterre fasse jurisprudence, l’idée imaginée par Bercy et les banquiers est de faire adopter un article établissant qu’un fax ne peut pas constituer un contrat de prêt. Et que seul est valable l’accord, signé a posteriori (et où le TEG était bien mentionné). Mais, là où cela se complique, c’est que le texte doit être rétroactif. «Or, pour qu’une loi soit rétroactive en matière civile, il y a une jurisprudence claire du Conseil constitutionnel, indique un banquier. Il faut démontrer qu’il y a un motif d’intérêt général. Un risque systémique causé par un effondrement bancaire pourrait être un bon argument.» Sauf que c’est surtout l’Etat qui craint des pertes…
Reste un dernier obstacle : faire accepter aux parlementaires de gauche un texte si favorable aux banques. Nombre d’entre eux, en tant qu’élus locaux, ont bataillé directement contre Dexia. Comme Claude Bartolone, ancien président du conseil général de Seine-Saint-Denis, aujourd’hui président de l’Assemblée. Après que Dexia a annoncé vouloir faire appel, il a réagi violemment : «Je considère indécente cette décision de la part d’une banque qui a trompé durant des années les décideurs locaux en leur vendant des emprunts toxiques», a tonné l’élu. Convaincre «Barto» de voter une loi en faveur de Dexia risque d’être compliqué.

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