jeudi 13 octobre 2011

Le " Courrier des maires .fr "

Le démantèlement de Dexia est engagé

Dexia, la banque des collectivités locales
© F.Mori/Sipa
Le Premier ministre français François Fillon, son homologue belge Yves Leterme, le ministre belge des Finances Didier Reynders et son homologue luxembourgeois Luc Frieden sont parvenus, dimanche 9 octobre 2011, à un accord sur la reprise de Dexia Banque Belgique par l'Etat belge, première étape du démantèlement de la banque, mais aussi sur le montant et la répartition des 90 milliards d'euros de garantie qui seront accordés à Dexia pour assurer son financement.
Leur proposition a été soumise au conseil d'administration de Dexia, qui l'a validée lundi au petit matin.

Parallèlement, le conseil d'administration de Dexia a mandaté, lundi 10 octobre 2011, l'administrateur délégué Pierre Mariani pour entrer en négociations exclusives avec la Caisse des dépôts et la Banque postale, en vue de la reprise de ses activités de financement des collectivités en France.

Le conseil a demandé à la direction de la banque franco-belge de lui soumettre un plan détaillé "dans les semaines à venir", selon un communiqué publié au terme d'une réunion marathon de plus de douze heures.

1. Nationalisation de Dexia
L'Etat belge, qui a déjà sauvé Dexia une première fois en 2008 en lui injectant trois milliards d'euros, va prendre le contrôle à 100% de Dexia Banque Belgique, l'entité belge de l'établissement présente dans la banque de détail. Coût de la transaction: 4 milliards d'euros.
Le royaume a obtenu un prix "raisonnable" selon les termes de M. Reynders, ministre des Finances, pour racheter cette filiale dont la valeur est estimée entre 3 et 7,5 milliards d'euros.

La Belgique entend rester plusieurs années propriétaire de cette banque, afin d'en "assurer la continuité". "Les ménages (belges) peuvent être sûrs et certains que leur argent est en sécurité sur leurs comptes courants", a assuré pour sa part M. Leterme, soulignant que "le contribuable ne sera pas trop mis à contribution puisque le risque est maîtrisé et le coût de l'opération est relatif". Une réunion est prévue lundi 10 octobre 2011 avec les Régions belges (Flandre, Wallonie et Bruxelles), également actionnaires de Dexia, à hauteur de 5,7%.


2. «Bad bank»
Les Etats se sont mis d'accord sur la répartition des garanties (90 milliards d'euros) à apporter à la future "Bad Bank" qui subsistera à l'issue du démantèlement, soit la structure de défaisance pour isoler les actifs les plus à risque qui plombent aujourd'hui le bilan de l'établissement.

"Les Etats sont convenus de se répartir cette garantie dans des proportions identiques à celles de 2008 (lors du sauvetage de Dexia), soit 60,5% pour la Belgique, 36,5% pour la France et 3% pour le Luxembourg", a indiqué le cabinet de M. Reynders dans un communiqué.

Selon des informations de presse, Paris souhaitait que la Belgique offre des garanties supérieures aux siennes pour le financement de cette structure. L'objectif de la France était de ne pas mettre en péril sa note triple A, attribuée par les agences de notation et qui est un gage de confiance sur les marchés financiers.

Seul hic: la Belgique est à son tour sous la pression des mêmes agences, Moody's ayant prévenu vendredi qu'elle pourrait abaisser la note du pays en raison de son soutien financier à Dexia. Mais la "Bad Bank" devra payer des primes sur ces garanties dont une immédiate de 450 millions d'euros dont 270 millions pour la Belgique, a argumenté M. Reynders, rappelant que l'Etat belge n'allait pas s'endetter au-delà de 100% de son PIB avec les opérations liées au dépeçage de Dexia.


3. Dexia Municipal Agency
De sources concordantes, des négociations sont en cours depuis plusieurs semaines entre Dexia, la Caisse des dépôts et la Banque postale. Mais elles achoppent encore sur la question des garanties que l'Etat français pourrait éventuellement apporter au portefeuille de crédits aux collectivités françaises de Dexia que récupérerait la Caisse des dépôts, selon le schéma proposé.
Cette dernière devait entrer dans le capital de Dexia Municipal Agency (Dexma), où se trouve un portefeuille de crédits aux collectivités comprenant une petite partie de prêts toxiques. Dans cette perspective, elle craint d'encaisser des pertes en cas d'effacement de crédits toxiques ou de révision à la baisse de la valeur des actifs du portefeuille.

4. Un nouveau pôle de financement des collectivités en France.
La constitution d'un nouveau pôle de financement des collectivités formé de la Banque postale et de la Caisse des dépôts fait consensus en France, les collectivités étant actuellement victimes d'un assèchement du marché du crédit.
Dexia ayant déjà nettement réduit la voilure, compte tenu de ses difficultés, les autres banques se sont totalement ou partiellement désengagées de ce marché, dans l'optique de l'entrée en vigueur du nouveau cadre réglementaire dit Bâle III.
Cette nouvelle réglementation pénalise en effet les crédits à très long terme, mode de financement privilégié des collectivités.

Lundi 10 octobre 2011, Dexia a assuré que les quelque 600 employés de la holding Dexia SA, structure de tête de la banque, se verraient offrir un reclassement dans l'une des filiales du groupe. Les trois gouvernements parties prenantes à l'avenir de la banque Dexia, en cours de démantèlement, "seront particulièrement attentifs à ce que les droits et les intérêts des employés du groupe et de ses filiales soient préservés", a indiqué Matignon dans un communiqué publié lundi 10 octobre 2011.
Le groupe Dexia comptait environ 35.200 employés fin juin, pour l'essentiel répartis en Belgique, en France et en Turquie.


Le récit d'une folle semaine
En ouvrant la porte à son démantèlement le 3 octobre, la banque franco-belge Dexia a donné le coup d'envoi d'intenses tractations dont une partie a abouti, lundi 10 octobre 2011, à l'annonce de la nationalisation de sa partie belge, avant une sortie prochaine des activités françaises du périmètre.


Voici le rappel des principaux événements qui ont jalonné cette semaine historique.
- lundi 3 octobre

Depuis plusieurs jours, la presse fait état d'un projet de cession de l'activité de financement des collectivités locales françaises à la Caisse des dépôts (CDC) et la Banque postale, rumeur démentie par Dexia.

L'agence de notation Moody's annonce envisager l'abaissement de la note de l'établissement, inquiète des conditions de financement du groupe dans un environnement de marché très difficile.

La nouvelle pèse sur les marchés et l'action Dexia perd 10,16%, pour descendre à 1,30 euro.
Un conseil d'administration extraordinaire est convoqué à 18H00. Il ne s'achèvera qu'après minuit. A l'issue du conseil, la banque ouvre la voie à son démantèlement, évoquant son intention de résoudre ses "problèmes structurels".

- mardi 4 octobre

Le marché digère mal l'annonce de Dexia. Le titre perd jusqu'à 37% en début de séance et atteint le plus bas niveau de son histoire à 81 centimes, avant de se redresser, pour finir en baisse de 22%.
Un syndicaliste belge rapporte que l'intégralité du groupe "serait à vendre".
Pour calmer les marchés, les Etats belge et français annoncent qu'ils apporteront leur garantie aux financements levés par la banque.
Côté français, la Caisse des dépôts confirme des négociations autour de la reprise de l'activité de financements aux collectivités françaises et d'un portefeuille de crédits déjà accordés à ces collectivités par Dexia.

- Mercredi 5 octobre

Le cours se stabilise en Bourse, mais la confusion règne autour de l'impact sur les finances publiques des garanties apportées par les Etats belge et français.

Le ministre français de l'Economie François Baroin assure que ces garanties n'alourdiront pas la dette et ne mettront donc pas en péril la note des deux Etats.

Le ministre belge des Finances Didier Reynders chiffre la garantie à plusieurs dizaines de milliards d'euros.

- Jeudi 6 octobre
L
a confusion s'installe. Le groupe annonce l'entrée en négociations exclusives pour la cession de la branche luxembourgeoise, Dexia Banque Internationale à Luxembourg (BIL), tandis que la presse belge fait état d'une scission de l'activité de particuliers en Belgique, Dexia Banque Belgique (DBB).

Evoquée par Didier Reynders la veille, l'hypothèse d'une nationalisation de DBB panique les marchés et le régulateur belge des marchés suspend jusqu'au lundi suivant la cotation du titre en milieu d'après midi, alors qu'il reculait de 17,24% à 84 centimes.

Parallèlement, les négociations se font âpres en France autour de la reprise de l'activité de crédits aux collectivités. La CDC réclame des garanties sur le portefeuille de crédits aux collectivités qu'elle pourrait récupérer, mais l'Etat français rechigne.

- Vendredi 7 octobre
L
e gouvernement fédéral belge tombe d'accord avec les trois régions du pays sur un plan prévoyant la nationalisation de Dexia Banque Belgique. L'acquisition est envisagée dès le week-end sous réserve d'un accord avec le gouvernement français, rapporte la presse belge.

Rajoutant à la pression déjà très forte, l'agence Moody's annonce qu'elle envisage d'abaisser la note de la Belgique, citant entre autres les incertitudes entourant le soutien à la banque Dexia.

Initialement prévu le samedi, un conseil d'administration de Dexia est repoussé au dimanche.

- Samedi 8 octobre
L
es entretiens bilatéraux entre autorités françaises et belges se multiplient, axés autour du sort de Dexia Banque Belgique, tandis qu'au plan européen, un consensus se fait jour sur la nécessité d'un plan de recapitalisation des banques.

- Dimanche 9 octobre
L
e Premier ministre français François Fillon se rend à Bruxelles pour s'entretenir avec son homologue Yves Leterme et des représentants luxembourgeois. Ils annoncent qu'un accord a été trouvé. Un conseil d'administration de Dexia se réunit dans la foulée.

Au terme de plus de douze heures de débats, le conseil valide le rachat de Dexia Banque Belgique par l'Etat belge pour 4 milliards d'euros. Les négociations autour de la cession de l'activité de financement des collectivités locales françaises se poursuivent.


Le 10 octobre 2011
Xavier Brivet

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