jeudi 27 octobre 2011

Sur "La TRIBUNE", M. VINCENT Sénateur-Maire de ST Etienne.


http://www.latribune.fr/opinions/20111026trib000659519/l-etat-doit-aider-les-collectivites-locales-a-sortir-des-emprunts-toxiques.html

L'État doit aider les collectivités locales à sortir des emprunts toxiques.

Face aux emprunts toxiques, dont ont été victimes les collectivités locales, le gouvernement doit agir. Il faut créer une structure de « défaisance », cantonnant ces emprunts, et faire appel aux banques pour payer la facture.


Les faits sont désormais connus : à partir de 2002 et jusqu'en 2008, les banques françaises et européennes, dans le sillage de Dexia, ont proposé, aux collectivités territoriales, aux hôpitaux et à certains organismes de l'habitat social, des « prêts structurés », fruits de l'ingénierie financière en vogue. Principal avantage pour les financiers : un taux de marge, donc des profits et des bonus, bien supérieurs pour elles à ceux des crédits classiques. Parmi ces prêts, la partie la plus rentable est aussi la plus spéculative : ce sont les « prêts toxiques » dont le total est aujourd'hui estimé à 15 milliards d'euros environ dont 10 milliards pour la seule Dexia.
Après une période « bonifiée », qui s'achève pour les 400 collectivités et organismes publics concernés en 2010, 2011 mais surtout en 2012 et au-delà, les taux d'intérêt flambent et flamberont encore pendant cinq, dix ou vingt ans, suivant les cas et les indices de référence (euro-dollar, dollar-yen, euro-franc suisse, etc.). Ceci de façon aléatoire et parfois extravagante avec des taux d'intérêt de 15, 20 voire 30 % ou plus ! Bien sûr, tous les emprunts ne seront pas impactés, et pas forcément au taux maximum...
Il n'en demeure pas moins que leur « coût de sortie » (le coût de la sécurité) est actuellement estimé entre... 10 et 15 milliards. Donc de 10 à 15 milliards à payer cash pour retrouver 15 milliards de prêts « normaux » au prix du marché actuel en lieu et place des « prêts toxiques » !
Certes, la conjoncture peut s'améliorer et le paiement s'étaler sur plusieurs années, mais c'est une ponction invraisemblable qui s'annonce pour les contribuables locaux et même, à hauteur de 1,5 milliard, pour les malades des hôpitaux ! Jusqu'à présent, le gouvernement a refusé de traiter le problème, malgré nos multiples appels à la responsabilité.
L'actualité l'y a contraint, presque par hasard, à travers le sauvetage in extremis de Dexia. La Caisse des dépôts a en effet obtenu une garantie à hauteur de 6,65 milliards d'euros pour les seuls prêts toxiques de Dexia, mais le total pourrait atteindre 9,5 milliards in fine. Sans avoir anticipé, sans réflexion, sous la contrainte de l'urgence, l'État vient donc d'accepter de faire payer la facture au contribuable français... sauf si Bercy exige, comme on le pressent, que les collectivités soient mises en demeure d'en prendre en charge une grande partie. Le contribuable national contre le contribuable local en quelque sorte...
En réalité, cette alternative n'est pas crédible : 10 milliards à récupérer auprès des organismes publics concernés, cela fait 25 millions d'euros à trouver, en moyenne, dans chacune des communes, départements, CHU impactés, soit une somme irrécupérable pour la plupart d'entre eux sauf à faire exploser les impôts locaux ou le forfait hospitalier ! Ce sera donc, massivement, le contribuable national !
Mais Dexia n'est pas tout ! D'autres prêts toxiques (5 milliards d'euros) apportés par toutes les autres banques affectent également les comptes des mêmes collectivités. Sans intervention de l'État, il est donc évident que de nombreuses collectivités ne pourront faire face à ces charges - risquant le défaut de paiement -, devront augmenter les impôts locaux et réduire leurs investissements, pourtant décisifs pour la croissance que tout le monde appelle de ses voeux. Devant une telle situation, la politique de l'autruche du gouvernement ne mène à rien, si ce n'est à une situation encore plus profondément dégradée et génératrice de récession.
Celui-ci doit donc enfin agir : faire un bilan détaillé de la situation, rassembler les acteurs concernés, cantonner les emprunts toxiques dans une structure de « défaisance » (ou une « banque résiduelle » si l'on préfère puisque c'est le terme choisi pour Dexia) et dire clairement que la facture « résiduelle » ne doit pas être supportée par les contribuables mais par une taxe sur les banques qui ont contaminé nos institutions locales avec leurs prêts toxiques.
Maurice Vincent, sénateur PS et maire de Saint-Étienne

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