mercredi 5 octobre 2011

Le courrier des Maires


Les maires de petites communes comme Saint-Cast-le-Guildo, sur le littoral breton, ou Thoiré-sur-Loire, dans l'agglomération nantaise, essaient désespérément, avec leurs maigres moyens, de trouver une parade contre les emprunts toxiques qui plombent leurs finances municipales.

"C'est un peu David contre Goliath, dans les collectivités comme la nôtre, nous n'avons aucune expertise face à des dossiers aussi complexes", souligne Bernard Chesneau, maire de Thoiré (7.500 habitants).

Sa commune vit une "monstruosité", aux prises avec un emprunt "Tofix Dual" souscrit à la banque Dexia, et qui contrairement à l'intitulé, prévoit un taux variable non plafonné indexé sur le cours du franc suisse.

"Techniquement, je ne sais pas comment notre avocate va se débrouiller mais le but est de faire annuler le contrat", explique Jean Fernandez, le maire de Saint-Cast (3.500 habitants) qui attaque Dexia le 3 octobre devant le tribunal de commerce de Nanterre.

La coquette station balnéaire se retrouve avec un emprunt de 3,5 millions d'euros pour un taux de plus de 15%, soit 523.000 euros d'intérêts versés cette année alors que le capital de la dette n'a diminué que de 72.000 EUR.

Formules "hermétiques"

Les concepteurs de ce produit se sont démenés "pour trouver le truc le plus retors qui soit présentable aux communes", accuse le maire.

En face, Dexia assure qu'il s'agit de "produits complètement classiques" qui ne contredisent aucun texte de loi, comme l'a dit à l'AFP un responsable qui a requis l'anonymat.

La municipalité de Saint-Cast exclut tout remboursement anticipé car les pénalités seraient de 1,5 million d'euros. Un recours à la médiation a échoué, selon M. Fernandez, "parce que Dexia est trop proche de l'Etat". Son principal espoir est de débusquer une irrégularité dans un contrat aux formules "hermétiques" pour le faire casser en justice.

Le maire de Thoiré a saisi, lui, le tribunal de commerce de Nantes pour "publicité mensongère" et "défaut de conseil". Depuis juin, le dossier est "en attente" et pourrait prendre des mois, selon le greffe de Nantes.

Rosny-sur-Seine (Yvelines), une commune de 5.390 habitants située aux portes de la Normandie, n'a pas contracté d'emprunt toxique mais dénonce, elle, les conseils de Dexia; elle attaque au pénal pour "escroquerie en bande organisée" et "tromperie", avec constitution de partie civile au tribunal de grande instance de Versailles.

Pour les produits structurés, sept collectivités locales - dont Saint-Cast et Thoiré - ont saisi la justice et "deux ou trois" ont "illégalement" gelé leurs remboursements, selon Dexia.

On ignore le nombre exact des collectivités piégées par des emprunts toxiques: le ministère du Budget n'a pas donné de chiffre, le quotidien Libération en a recensé plus de 5.O00, ce que Dexia conteste.

La commune de Servian (4.200 habitants, Hérault) avait choisi d'assigner Dexia en référé devant le tribunal de grande instance de Nanterre en invoquant le code de la consommation: elle a été déboutée, le juge ayant estimé que la commune "ne peut être considérée comme un consommateur".

Pour Dexia, cette première décision qui reconnaît la validité de ses clauses de remboursement anticipé et retient sa bonne foi vaut "jurisprudence".

Les "collectivités locales ne peuvent pas remettre en cause les contrats qu'elles ont signés en toute connaissance de cause" et devraient, avant de lancer une procédure, "réfléchir sur le rôle des cabinets de conseils financiers qui prétendent (les) assister", a commenté la banque.

Dexia souligne également que son intérêt n'est pas "d'avoir des taux qui varient à la hausse" parce que "la différence ne va pas dans sa poche".

Combat "individuel"

La banque explique aussi avoir fait différentes propositions aux maires de Saint-Cast et Thoiré en réponse à leur demande de renégociation de prêt. Mais ces offres étaient "inacceptables", selon les deux maires.

"On nous a proposé un meilleur taux pendant deux ans en réduisant de moitié l'amortissement du capital, ce qui peut sembler attractif mais revient en fait à renvoyer le problème aux générations futures", fulmine M. Chesneau.

Thoiré a adhéré à l'association "Acteurs publics contre les emprunts toxiques" fondée par le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, le député PS Claude Bartolone, également asphyxié par des produits structurés de Dexia.

Le maire de Saint-Cast pense, lui, que "le combat est forcément individuel parce que chaque contrat est différent". Mais il déposera début octobre devant la commission d'enquête parlementaire sur les actifs financiers toxiques.

Enquête de Sophie Pons, AFP

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